À l’occasion de la campagne électorale de 2022, nu décrypte plusieurs mesures et propos des candidat·es à l’élection présidentielle touchant aux sexualités. Jean-Luc Mélenchon, député La France Insoumise et candidat, souhaite inscrire plusieurs droits nouveaux dans la Constitution, notamment l'interruption volontaire de grossesse.
ATTENTION : Cet article évoque le thème de l'avortement.
"Je voudrais que les libertés fondamentales de la personne humaine soient inscrites dans la Constitution. Par exemple l’IVG [Interruption volontaire de grossesse, ndlr.], pour qu’on arrête de rediscuter de ce sujet à chaque élection."
Le député et candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon souhaite que l'interruption volontaire de grossesse soit inscrite dans le marbre de la Constitution française. Une idée qui n’est pas nouvelle, puisqu’il portait déjà cet engagement en 2017. En 2012, il ne proposait pas encore la constitutionnalisation mais une une clause pour « aligner les droits des femmes sur le meilleur niveau reconnu dans l’Union européenne ».
Dans un autre cadre, le 19 janvier dernier, au Parlement européen de Strasbourg, Emmanuel Macron, le président pas-encore-candidat, a défendu également l’avortement et a indiqué qu’il souhaitait l’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Mais alors, à quoi cela sert-il ?
C’est pour abréger le débat que Jean-Luc Mélenchon souhaite inscrire l’avortement dans la Constitution, « parce que sinon, à chaque élection, on va recommencer à zéro le débat pour rappeler que les femmes sont propriétaires de leur corps, elles et elles seules, ni leur mari, ni leurs enfants, ni leur famille », disait-il sur BFMTV en octobre dernier.
Dans son programme, le candidat de l’Union Populaire veut aller au-delà de l’inscription de l’IVG dans la constitution, puisqu’il souhaite également y inclure le droit de mourir dans la dignité et l’accès garanti à des soins palliatifs.
« Le symbolique c’est important, il faut montrer que le droit à l’IVG on ne peut pas y toucher », affirme Véronique Sehier, ancienne coprésidente du Planning Familial. Le retour en arrière est possible : elle prend l’exemple de la Pologne qui aujourd’hui a l’une des lois les plus restrictives dans l’Union Européenne alors qu’il « était même plus facile d’avorter en Pologne qu’en France [avant une loi en 1993 qui limite fortement le recours à l’IVG, Ndlr.] », souligne celle qui a également été la rapportrice au Conseil économique, social et environnemental (Cese) d’un rapport sur les droits sexuels et reproductifs en Europe.
Véronique Sehier estime que s’il faut inscrire l’IVG dans la constitution, il faut surtout « l'appliquer dans toutes les politiques publiques » et en améliorer son effectivité. Elle parle, par exemple, d'un parcours de combattante pour les femmes migrantes qui veulent effectuer un IVG.
Cette demande de constitutionnalisation dépasse largement le cadre politique. Yves Ville, chef du service d’obstétrique à l’hôpital Necker de Paris, a revendiqué la proposition de constitutionnalisation du droit à l’IVG, dans une interview en janvier au Parisien.
Qu’en disent les autres candidat·es ?
À gauche, mis à part Jean-Luc Mélenchon, les autres candidat·es n’évoquent pour le moment pas le sujet. Première à dévoiler son programme, la socialiste Anne Hidalgo ne fait aucune mention de l’avortement dans son projet. Même constat pour l’écolo Yannick Jadot ou le communiste Fabien Roussel.
À droite, Valérie Pécresse (Les Républicains) s’est dite « plutôt favorable » à l’inscription dans la Charte des droits fondamentaux proposée par Emmanuel Macron à Strasbourg. Dans une interview sur France Inter, elle indiquait cependant ne pas croire à une issue favorable, du fait que d’autres pays de l’Union se positionnent contre.
Quant à l'extrême-droite, Marine le Pen ou Éric Zemmour tardent à évoquer ce sujet, même s’ils font partie du courant idéologique hostile à l’IVG et à sa régulation. Le Front National avait été le théâtre de débats internes sur l’IVG avec différentes lignes, comme l'expliquait le Figaro en 2016. Véronique Sehier, du Planning Familial, s’alarme notamment du débat européen, avec le lobby d'extrême droite « Agenda Europe » qui souhaite « restaurer l’ordre naturel ».
Emmanuel Macron, lui, n'a pas pris position sur le sujet, si l'on met de côté sa déclaration au Parlement européen. Lors de la discussion de la loi d’Albanne Gaillot, le gouvernement a émis des avis de sagesse sur les dispositions de la loi.
Où en est-on politiquement ?
Lors du dernier quinquennat, à deux reprises des parlementaires de gauche ont essayé de mettre à l’ordre du jour la constitutionnalisation de l’IVG. Une proposition de loi avait été posée en ce sens par la sénatrice communiste Éliane Assassi en 2017. Bis repetita en 2019 à l’Assemblée Nationale dans un texte présenté par le député socialiste Luc Carvounas. Sans succès.
Depuis plusieurs mois, un nouveau texte est en cours de discussion au Parlement. Il vise à renforcer le droit au recours de l’avortement, notamment en allongeant le délai maximal de recours à l’IVG de 12 à 14 semaines.
C’est la députée Albane Gaillot (Non inscrite) qui a porté la proposition de loi, qui sera présentée à l’Assemblée nationale le 2 février prochain pour une dernière phase de lecture.
La proposition de loi est soutenue par les groupes de gauche et la majorité LREM. Les groupes de droite se sont prononcés contre, et ont bloqué la loi au Sénat.
Pour Véronique Sehier, du Planning Familial, la loi devrait aller même au-delà des quatorze semaines, prenant pour exemple les Pays-Bas qui vont jusqu’à 22 semaines et même le Canada où il n’y a pas de délai pour effectuer un avortement.
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