“Je culpabilisais d’avoir envie d’autre chose” : Jonathan entretient des rapports BDSM

Avec sa compagne, Jonathan entretient des relations sexuelles de domination-soumission. Elle prend le contrôle, il se laisse faire. Un moyen de relâcher la pression pour ce jeune commercial obsédé par le travail et le perfectionnement de lui-même au quotidien.

Il est tiré à quatre épingles. Son long trench en feutrine grise est impeccable, comme ses baskets de collection et son sourire assuré. Seules ses mains et sa façon de discrètement les entortiller sous la table du café trahissent une timidité naturelle. À 25 ans, Jonathan confie son plaisir à entretenir des relations BDSM [bondage, discipline, domination et soumission sado-masochiste, ndlr]. Une façon pour ce jeune consultant dans une grosse entreprise parisienne de se libérer de la pression du quotidien. 

Jonathan partage sa vie avec Julie, une ingénieure en aéronautique de dix ans son aînée depuis quelques années. Ensemble, ils forment une équipe, aime-t-il à dire. Ils se sont pacsés en octobre dernier pour sceller un peu plus leur amour - inconditionnel, d’après lui. Dans l’intimité, ce charmant couple de citadins partage et assouvit des fantasmes sexuels communs. Julie est une “domina”, Jonathan un “soumis”. Dans le langage BDSM, cela signifie que le jeune homme participe volontairement aux jeux de soumission sexuels de sa compagne. Il devient "objet" de ses désirs et trouve son plaisir dans celui de sa partenaire. Quitte à souffrir parfois. “Si je portais plainte contre elle, elle irait directement en prison, plaisante le jeune consultant. On en rit beaucoup tous les deux.” Jonathan a conscience que son discours choque, il assume.

“C’est un peu comme de la drogue”

Enfant, il était souvent triste, très proche de sa mère, timorée. Pas le genre de gosse très apprécié. Plutôt celui qui est un peu à côté. “Je suis toujours un mec très dépressif.” Il hausse les épaules, sans cesser de sourire. Dans le restaurant, les odeurs de cuisine commencent à emplir la pièce. Il est bientôt midi et demi. Jonathan ne mangera rien. Pas faim dit-il. Avant de concéder : “Je fais attention”. Pour devenir ce qu’il appelle la “meilleure version de lui-même”, il se donne du mal. Le jeune homme semble ne jamais arrêter de se remettre en question pour se perfectionner à tout prix. Il en a fallu des heures sur les bancs de musculation, des semaines à étudier dans sa chambre et des années d’introspection pour qu’il réussisse à afficher cette expression de sérénité constante.

Un trop plein de pression qu’il arrive notamment à juguler à travers sa sexualité. Lors d’une séance avec sa partenaire, alors qu’attaché et impuissant il ne peut que subir, il a la sensation de se libérer. “Très peu de gens arrivent à comprendre la question de la douleur qui se transforme en plaisir”, explique la sexothérapeute Alexia Bacouël. Jonathan fait partie de ceux qui la comprennent : chaque jour, il s'épuise en salle de sport jusqu'à s'effondrer de fatigue. Il a également commencé à recouvrir son corps de tatouages. La soumission sexuelle s'inscrit dans le même objectif : souffrir pour libérer une forte dose d'endorphines dans le corps et ressentir un sentiment grisant de bien être. “C’est un peu comme de la drogue. Dans ces moments, tu prends un méga shot de dopamine, abonde Jonathan. En n’ayant plus aucun contrôle, tu relâches tout. Tu as l’impression de voler. C’est une sorte de méditation en pleine conscience, un vrai moment d’évasion. ”

“Avant, j’étais dans un couple 'vanille'”

D'après Alexia Bacouël, également présidente de l’association du Cabinet de Curiosité Féminine, il s'agit également du plaisir du partage. Et d'ajouter : “Dans les jeux de domination-soumission, le plaisir va naître d’un sentiment profond de fierté de s’offrir à la personne qui domine, d’appartenance, de contrainte, de jeux d’humiliation. Le plaisir est essentiellement cérébral."

C’est ce qui manquait à Jonathan avant de rencontrer Julie. Il ne pouvait pas partager ses fantasmes. “Avant, j’étais dans un couple 'vanille'.” Traduction : un couple à la sexualité dite conventionnelle. “Ma première copine était parfaite en tous points, c’était l’enfer. Je culpabilisais d’avoir envie d’autre chose.” Très tôt après sa rupture, le jeune homme a fréquenté des clubs recevant des soirées échangistes et BDSM. Il y rencontrait des couples bien plus âgés en mal de découvertes. Un jour, c’est sur Julie qu’il est tombé. “Elle était complètement arrachée cette fille. Elle vivait sa vie à 100 à l’heure. Elle dominait des PDG de multinationales tout en voyageant dans le monde entier pour son travail.” Avec sa compagne, Jonathan a découvert un autre monde. Un espace de confiance et d’échange qu’il n’avait pas su trouver avant.

“Entre nous, c’est no limit”

Entre deux gorgées d’irish Coffee, il décrit le son du rire de sa compagne quand elle le soumet. “Cela me rend fou. Entre nous, c’est no limit. Pas besoin de parler consentement, je lui fais confiance.” Entre eux, les choses sont claires. Ils se sont entendus dès le début sur ce qu’ils aimaient ou non. Le jeu peut prendre fin à tout moment, dès lors que Jonathan veut l'arrêter. Aujourd’hui, ils se connaissent suffisamment pour savoir ce que l’autre attend ou ce qu’il est capable d’accepter sans y avoir pensé avant. "Mais j'accepte beaucoup de choses", avoue le jeune homme.

En réalité, Jonathan a des limites. “On en a tous.” Chez lui, c’est avant tout une question de don de soi, jusqu’à un certain point. “Il arrive que je n’aime pas certaines choses qu’elle me propose. Si je ne peux pas les lui donner, ça ne me dérange pas qu’elle aille les chercher ailleurs.” Le couple est libre de rencontrer d’autres partenaires et d’entretenir des relations annexes. Ils se racontent tout. Parfois, affalés l’un sur l’autre sur leur canapé, ils “matchent” sur l’application de rencontres Tinder ensemble. Il arrive aussi que Julie demande à Jonathan d’aller soumettre une autre femme pour elle. “C’est presque les seuls moments où elle aime me voir dominant. Et encore, comme c’est elle qui me demande de l’être, c’est un peu de la soumission aussi.” 

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