Alors que l'homosexualité reste aujourd’hui criminalisée dans de nombreux pays, ces dernières années ont été marquées par plusieurs avancées significatives pour les droits des LGBTQI+. Tour d’horizon, en cartes, du statut de l’homosexualité à travers le monde.
Le 21 janvier 2022, en Ouzbékistan, le militant Miraziz Bazarov a été condamné à trois ans de prison pour avoir appelé à décriminaliser l’homosexualité. “La dépénalisation internationale de l’homosexualité, c’est le combat qui n’est pas encore achevé”, avance Daniel Borrillo, spécialiste des droits des sexualités. En 2022, 68 pays du monde considèrent toujours les pratiques homosexuelles comme un délit ou un crime.
Le rapport 2020 de l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (ILGA) fait état de onze pays, dont le Yémen, le Nigéria ou encore l’Arabie Saoudite, où les relations homosexuelles sont soumises à la peine capitale. Certains pays comme le Qatar ou le Pakistan ont la possibilité de recourir à la peine de mort sans que cela soit formellement inscrit dans la loi.
Outre la peine de mort, différentes législations nationales prévoient des sanctions très strictes qui varient entre amendes, coups de fouet, torture ou peines de prison pouvant aller jusqu’à la perpétuité. Bien que ces condamnations ne soient pas systématiquement appliquées, elles restent tout de même inscrites dans les textes et pèsent comme une menace constante pour les personnes homosexuelles. Pour le chercheur, la pérennité de ces pratiques d’État homophobes en 2022 est à comprendre par “l’avancée des groupes religieux, tant bien l’islamisme que les intégristes chrétiens comme les évangélistes”.
Alors que l'Europe et l’Amérique du Nord ont tourné la page de la criminalisation il y a plusieurs décennies, les pays asiatiques et africains continuent à réprimer sévèrement les pratiques homosexuelles. Daniel Borrillo identifie deux raisons qui pourraient expliquer ce grand écart juridique : “Il n’y a pas de mouvement LGBTQI+ structuré pour porter cette politique dans les pays arabes ou en Afrique. De plus, l’accusation d’homosexualité, c’est aussi une arme politique utilisée par certains dirigeants africains pour discréditer un adversaire.” Un processus de dépénalisation est toutefois à l’œuvre. En 2021, l’Angola et le Bhoutan ont rendu l’homosexualité légale sur leur territoire, dans le sillage du Gabon (2020), du Botswana (2019) et de Taïwan (2019).
Une lente conquête de droits
Dans les pays où l’homosexualité est légale, la conquête des droits oscille entre stagnation et progrès. Des entraves persistent pour servir dans l’armée ou pour donner son sang. Si en Albanie ou en Bolivie les discriminations homophobes sont formellement proscrites par la loi, d’autres États comme l’Italie sont plus frileux face à l’instauration de telles protections juridiques. Le 27 octobre dernier, le Sénat italien a rejeté une proposition de loi visant à prohiber les discriminations à l’encontre des personnes LGBTQI+. À ce jour, aucune sanction n’est prévue par la justice italienne contre les délits homophobes.
Parmi les avancées les plus marquantes toutefois : l’ouverture du mariage aux personnes homosexuelles. En 2001, les Pays-Bas sont les premiers à l'autoriser. Vingt ans plus tard, le Chili et la Suisse viennent étendre à 32 la liste des pays où le mariage pour tous est légal. Dès mars 2022, les couples de même sexe pourront s’unir au Chili tandis que les Suisses devront attendre juillet 2022. En 2023, ce sera au tour de la ville de Tokyo de reconnaître le mariage pour tous, alors même que la constitution japonaise ne “prévoit pas” l’union des personnes de même sexe.
Dans certains pays comme la Lituanie ou le Suriname, les mariages conclus à l’étranger sont reconnus malgré l’interdiction du mariage pour tous sur leur territoire. À l’inverse, d’autres États refusent encore de reconnaître les droits des couples homosexuels mariés à l’étranger, à l’instar de la Namibie qui a rendu sa décision le 20 janvier 2022.
La progression des droits des personnes homosexuelles se juge également à l’aune de l’extension du droit à l’adoption complète pour les couples de même sexe. Les États européens en ont été les pionniers avec notamment le Danemark en 2009, la France en 2013 ou encore l’Irlande et l’Autriche en 2015. Au total, l’adoption est aujourd’hui légale dans 27 États du monde.
Malgré ces signes d’amélioration des droits des personnes homosexuelles, le chercheur Daniel Borrillo tempère : “Mon optimisme est très modéré. On peut avoir le sentiment que les choses évoluent vers le progrès, mais ce n’est toujours pas le cas dans les pays d’Europe de l’Est ou dans les pays africains ou asiatiques par exemple. Il faut rester attentifs.” En décembre dernier, des députés sénégalais avaient notamment porté un projet de loi pour durcir les sanctions à l'encontre des personnes ayant commis des "actes contre nature avec un individu de son sexe", pour lutter contre "la perversion de l'espace public".