La dépendance affective et sexuelle, quand la sexualité devient une drogue

Certains comportements sexuels peuvent relever de la pathologie. Le sexe devient une obsession, au point de négliger sa santé et d’ignorer tout autre centre d’intérêt, activité, responsabilité.

Dans l’amour, il y a parfois un peu de dépendance. Mais chez certains, cela peut devenir problématique. Voire destructeur. Comme pour Damien, 47 ans. Il avait un rapport addictif avec la sexualité dans sa relation amoureuse. « Mon seul objectif, c’était d’arriver à avoir mon shoot sexuel, explique-t-il. Mon épouse est devenue mon self service, c’était open bar pour moi. Il n’y avait aucun partage, je voulais contrôler l’autre. Et au final, c’est la dépendance qui me contrôlait ».

Après plus de 20 ans de relation, sa femme décide de le quitter du jour au lendemain. Angoissé par l’absence de son ex-partenaire, l’importante sensation de vide, Damien plonge dans une dépression. « Je me demandais comment j'allais mourir, si j’allais flinguer ma famille, si j’allais me flinguer seul. J’ai eu beaucoup de chance de ne pas passer à l’acte », soupire Damien. 

Dans cette période, le quadragénaire a des besoins sexuels compulsifs et se masturbe très fréquemment. « Quand mon esprit a décidé que c’était le moment, tous les codes sociaux n’existent plus. Ça peut se passer en plein jour sur un parking, dans une voiture, avec des passagers dans un bus, il n’y a plus aucune règle », constate-t-il. 

La sexothérapeute Noëline Toribio analyse le comportement de patients dépendants affectifs et sexuels dans son cabinet à Versailles. Pour elle, il comble le manque de confiance en soi, les troubles et les problèmes liés à l'affirmation de soi. « C’est comme une sorte de bouée pour survivre à ses angoisses, à ses peurs, à ses doutes », explique la professionnelle. 

Florence s’en est rendue compte à l’adolescence. Elle a très rapidement besoin de posséder l’autre, dès la première rencontre. « Je me précipite. Je n'ai qu’une hâte : c'est que la relation se concrétise. Ça veut dire que je vais très rapidement avoir des relations sexuelles avec quelqu’un que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam, convaincue qu’après ces choses-là, il me sera attaché et ne partira plus ». 

Pour répondre à son besoin affectif, elle va jusqu’à se forcer à avoir des relations sexuelles. « Pour ne pas qu’il me quitte, explique Florence, je suis d’accord pour avoir des rapports dont je n’ai pas envie, je donne mon accord pour faire des pratiques qui ne sont pas du tout mon truc. » Selon la loi française, un rapport sexuel non consenti de manière claire, libre et éclairé est considéré comme un viol. « Je crois pas qu’il va rester avec moi pour ce que je suis, je crois qu’il va rester avec moi pour le rôle que je joue et la sexualité en fait partie ».

Elle trouve de l’apaisement depuis 25 ans dans des réunions de dépendants affectifs et sexuels anonymes. Pour elle, dans le cercle, les hommes et les femmes découvrent cette pathologie différemment. « Les hommes arrivent souvent parce qu’ils ont une dépendance sexuelle et découvrent qu'en dessous, il y a de la dépendance affective, alors que les femmes c’est plutôt l’inverse. Elles arrivent parce qu’elles ont une dépendance affective et réalisent qu’il y a une composante de dépendance sexuelle. » 

Mais Noëline Toribio, la sexologue, n’est pas du même avis. « Au final, ça se matérialise de la même façon, c'est-à-dire une addiction aux rencontres. Un schéma tout le temps régulier, constant, qui permettra la rencontre et ensuite l’acte sexuel ». Le corps est commandé par leurs addictions affectives et sexuelles. “Elles font écho à un vécu traumatique ou un stimuli émotionnel fort qui va se réveiller à chaque moment où la dépendance affective se manifeste”. 

Pour Florence et Damien le choc traumatique est à chercher dans le passé. « J’avais été maltraité dans mon enfance, j’avais été humilié, abusé, ma mère était colérique, dépressive et violente », explique-t-il. Florence a elle grandi dans une famille avec deux parents alcooliques : pour elle, ils sont la cause de sa pathologie. « Mes parents n’avaient pas ce qu’il fallait pour donner une assise d’estime de soi à leur propre enfant, et un manque d’estime de soi, ça fait une dépendance affective. »

Ce n'est qu'une fois la dépendance identifiée, que le travail thérapeutique peut commencer. « Le but va être de casser le schéma. Lorsque la dépendance surviendra de nouveau, pouvoir dire stop. Alors, pas de manière radicale au tout début mais d’abaisser la prise d’initiative qui mène vers cette mise en action », estime Noëline Toribio.

Les comportements sexuels compulsifs sont reconnus comme des maladies mentales par l’OMS mais aucune prise en charge financière de la thérapie n’existe à ce jour en France.

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