Neuroatypie, le sexe loin des normes

On les dit neuroatypiques, iels présentent des troubles de l’attention, du spectre autistique ou sont haut potentiel intellectuel. Une réalité qui semble éloignée du fameux "lâcher prise" vanté comme nécessaire à une sexualité épanouie. Si ces personnes pensent et ressentent d’une autre manière que la majorité de la population, iels partagent un quotidien dont on entend rarement parler.

Avoir mille pensées, ne pas savoir les organiser. Pouvoir à un instant se concentrer, puis d'un seul coup, impossible. C’est le quotidien difficile des personnes dites neuroatypiques. Leurs pensées, leurs émotions s’organisent autrement. Pour autant, elles aussi ont une sexualité, comme Laura. Elle a été diagnostiquée avec un haut potentiel et des troubles déficitaires de l’attention et de l’hypersensibilité. "Il est beaucoup plus difficile d’atteindre l’orgasme quand tu as beaucoup de pensées dans la tête, tu n'arrives pas à être connecté au moment présent, explique la jeune femme. On rumine tout le temps, donc c'est assez difficile. On a un cerveau qui s'arrête jamais, il réfléchit non-stop."

Les troubles jouent bien sur la sexualité des personnes neuroatypiques, selon la jeune femme. "Quand on est neuroatypique on l’est aussi dans la sexualité." Une réalité que la sexologue Nadia Morand retrouve dans son cabinet à Annecy : "Je vois plus de questionnements sur 'comment faire concorder ma vie et ce dont j’ai besoin.' Le plus souvent chez les personnes neurotypiques la vision de ces questions là va être du côté du trouble et du problème. Alors que chez les personnes neuroatypiques ça ne va pas être un problème mais plutôt la société qui pose souci."

Laura a mis du temps avant de comprendre la sexualité dont elle avait besoin, loin des routines qu’elle ne supporte pas. Elle est en couple depuis 7 ans et depuis 2020, elle et son partenaire sont libertins : "Je me suis toujours sentie comme ça, capable d’aimer plusieurs personnes en même temps ou plus ouverte à l’idée du libertinage. Je me considère pansexuelle aussi, je n’ai aucune image binaire des genres, mon attirance sexuelle ne dépend pas de ça en tout cas."

Pour Maëva, elle aussi neuroatypique, avant toute connexion sexuelle, un échange intellectuel est indispensable : "Je ne vais pas me forcer à avoir une relation, simplement pour prendre du plaisir, ce n'est pas envisageable. Quand j’étais plus jeune, j’avais des amies qui ne comprenaient pas pourquoi je ne vivais pas ma jeunesse en ayant des sex friends. Et je me disais que je devais avoir un problème, parce que j'étais suis jeune mais j’avais l’impression de penser comme une vieille. Et plus tard j’ai compris que c’était lié à ma caractéristique de haut potentiel et d’hypersensible."

Il est bien entendu impossible de définir une sexualité spécifique aux personnes neuroatypiques, mais une variable demeure : la communication. Elle est parfois compliquée à établir pour Maëva. "Il me faut énormément de temps pour me sentir en confiance et me sentir connectée à une personne. Et je dirais que ce souci d'exigence et de besoin de connexion intellectuelle rend très complexe l'accès à l'intimité. En fait, j'ai rarement l'occasion de ressentir cela et donc, la plupart du temps, je reste dans le cérébral."

Dans son cabinet, la sexologue Nadia Morand, constate même que ces difficultés de communication peuvent parfois mener à des problèmes plus graves : "Ce qu’on lit dans la littérature scientifique en particulier chez les femmes autistes c'est que du fait d’avoir moins accès à l’implicite, les personnes neurotypiques peuvent considérer des comportements comme des invitations sexuelles ou sensuelles. Alors qu’en fait, pour la personne neuroatypique cela n'en est pas. Les personnes vont plus souvent se retrouver dans des situations difficiles, qui peuvent parfois mener à des violences sexuelles." Pour cette professionnelle, il est alors indispensable de former les psychologues et sexologues pour mieux accompagner les personnes neuroatypiques dans leur sexualité.

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