Ce mardi 25 janvier, la proposition de loi LREM visant à bannir les "thérapies de conversion" a été définitivement adoptée par le Parlement. Création d’un délit spécifique, reconnaissance des victimes : nu fait le point sur cette évolution de la législation, et fait un tour d'horizon - en carte - des pays où les thérapies de conversion sont interdites.
Les associations craignaient que cette proposition de loi ne se perde dans les limbes gouvernementales. La séance parlementaire de cet après-midi a finalement levé leurs appréhensions. Depuis quelques heures, les "thérapies de conversion" sont officiellement illégales en France. L’aboutissement de plus de deux ans de travail législatif, porté par la députée LREM Laurence Vanceunebrock.
Derrière le terme de "thérapie de conversion" se cachent des réalités multiples. Des groupes de parole aux séminaires, en passant par les exorcismes, ces pratiques ont un point commun : elles "visent à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, d'une personne et ont pour effet une altération physique de sa santé physique ou mentale", d’après le texte de loi.
Nées aux États-Unis à la fin des années 1970, les "thérapies de conversion" se basent sur le postulat que l'homosexualité et la transidentité sont des "maladies" qu'il conviendrait de "guérir". "On nous apprend à être homophobes envers nous-mêmes", résume auprès de nu Benoît Berthe, fondateur du collectif militant Rien à guérir.
En finir avec le flou juridique
En France, l’homosexualité et la transidentité sont exclues respectivement depuis 1992 et 2010 de la liste des pathologies psychiatriques. En 2015, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme appelle à interdire les "thérapies de conversion" dans un rapport. Trois ans plus tard, le Parlement européen vote une motion visant à légiférer dans ce sens dans les États membres. Et pourtant, dans l’hexagone, aucune loi ne bannissait explicitement les thérapies de conversion jusqu’à aujourd'hui. Dans le monde, peu de pays interdisent aujourd'hui les thérapies de conversion.
Si, le 15 juin 2021, Christophe Castaner, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, déclarait que ces pratiques étaient "déjà interdites" du fait de l’arsenal législatif existant contre les "violences volontaires et propos homophobes", la réalité est plus nuancée.
Faciliter la reconnaissance des victimes
Jusqu’alors, pour saisir la loi, la seule option s’offrant aux victimes de thérapies de conversion était d’activer des leviers judiciaires indirects : délits d’abus de faiblesse, de discrimination ou de harcèlement par exemple. Cela présupposait que les victimes soient au courant de l’ensemble des recours possibles.
Conséquence de ce flou juridique : peu de plaintes aboutissant et des données officielles inexistantes. "Les seuls repères chiffrés viennent des témoignages collectés par les associations", souligne Benoît Berthe. En créant un délit spécifique, cette nouvelle loi permettra d’identifier et de condamner les promoteur·ices de ces pratiques tout en assurant une meilleure reconnaissance des victimes.
L'article 1 du texte prévoit que les "thérapies de conversion" soient punies de "deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d’amende". Cette peine peut atteindre jusqu'à trois ans de détention et 45 000 euros d'amende lorsque les faits concernent des mineur·es.
Une première étape
La loi donne également la possibilité aux associations luttant contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de se constituer partie civile, avec l’accord des victimes. Un moyen de mieux accompagner ces dernières.
Ce texte offre donc des nouveaux outils pour lutter plus efficacement contre les thérapies de conversion. Mais pour Benoît Berthe, le chemin à parcourir reste important. "Il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Même si la loi va ouvrir des possibilités pour les associations, cela reste extrêmement compliqué pour les victimes de franchir le pas et de porter plainte. Il va falloir faire de la veille, accompagner les personnes qui ont vécu des thérapies de conversion".
Le militant pointe du doigt l’absence de prise en compte des personnes intersexes et regrette des positionnements qu’il juge transphobes de la part de certains·es élu·es. Des amendements - rejetés - proposés par la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio visaient notamment à supprimer du texte la notion d'identité de genre, considérée comme mal définie. "Le fait que plusieurs sénateur·rices aient voulu le retirer de la loi, c’est inacceptable. Il ne devrait pas y avoir de débat là-dessus. Les personnes trans existent, ce ne sont pas des sous-citoyen·ennes."