(D)ébats 2022 : Qu’est-ce que la « théorie du genre et la propagande LGBT » qu’Éric Zemmour veut chasser de l’école ?

À l’occasion de la campagne électorale de 2022, nu décrypte plusieurs mesures et propos des candidat·es à l’élection présidentielle touchant aux sexualités. Éric Zemmour souhaite chasser la "théorie du genre" et la "propagande des idéologies LGBT" des écoles.

"Interdire toute forme de propagande idéologique à l’école pour protéger les enfants", notamment "l'idéologie LGBT". C’est une musique qui semble se répéter. Après Marine le Pen en 2017 qui voulait faire de l’école un "asile inviolable où les querelles des hommes ne rentrent pas", le candidat d’extrême-droite Eric Zemmour souhaite à son tour "défendre l’école face aux idéologies". Le polémiste appuie sur l’une des thématiques préférées de son camp politique : la perte des traditions.

Un des éléments qui rebrousse le poil de l'ancien journaliste est l’inclusion de la transidentité dans les cours d’éducation affective et sexuelle commandée par la "circulaire Blanquer", du nom du ministre de l’Education. Publiée en septembre 2021, celle-ci invite l’ensemble du corps enseignant à porter une attention particulière aux élèves transgenres ou qui s'interrogent sur leur identité de genre. La réponse d’Eric Zemmour tient donc en une ligne dans son programme : "Interdire toute forme de propagande idéologique à l’école pour protéger les enfants".

Depuis, le candidat a pris le soin d’étayer ses propos. En conclusion de ses vœux aux médias le 11 janvier 2022, depuis son QG de campagne, il s’emporte devant une centaine de journalistes : "J’ai trouvé cette circulaire absolument scandaleuse. Il ne s’agissait en réalité que d’une promotion de la transsexualité". Et d’ajouter : "L’école ne doit plus être le lieu où l’idéologie féministe et LGBT endoctrine nos enfants", en citant par exemple l’association SOS Homophobie qui aurait "table ouverte à l’école".

Les programmes d’éducation sexuelle sont-ils idéologiquement orientés ?

En réalité, l’éducation sexuelle est une obligation légale depuis la loi Aubry de 2001 qui impose qu’une "information et une éducation à la sexualité soient dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène". D’ailleurs, ces séances prennent un autre nom à l’école primaire : "l’éducation à la vie affective", comme le rappelle Alexandra Bojanic, secrétaire nationale du Snuipp-FSU, le premier syndicat chez les instituteur·rices.

"Les cours d’éducation sexuelle sont bien loin d’une quelconque idéologie. Ce n’est pas une lubie, ce n’est pas du militantisme. Ils suivent le code de l’éducation", rappelle celle qui est également professeure des écoles. Elle l'assure, cette opinion semble être partagée dans l’ensemble du corps professoral.

Pour Fatna Seghrouchni, enseignante dans le Val d’Oise et co-secrétaire du syndicat Sud-Education, ces échanges sur le sexe sont surtout l’occasions de discuter "d’égalité entre les personnes, les genres, les sexualités". Et l’enseignante a pu observer les mentalités changer en dix ans de métier. "Quand j’ai commencé il n’était pas rare d’entendre des insultes homophobes pendant ces cours. L’année dernière, un élève transgenre de mon lycée a pu profiter de cette zone d’expression pour expliquer aux autres son orientation. Aujourd’hui tous ses camarades l’appellent par le prénom qu’il a choisi".

Légalement, Éric Zemmour peut-il freiner l’éducation sexuelle à l’école ?

Même si le candidat venait à se faire élire, il serait très compliqué pour lui d’interdire toute forme d’éducation sexuelle à l’école. Comme le rappelle Alexandra Bojanic, "il y aurait un sacré nombre de textes à casser pour en arriver là". Elle fait notamment référence à la Convention internationale du droit de l’enfant, dont la France est signataire depuis plus de trente ans.

Une telle mesure ferait face à une forte résistance du corps enseignants. "La plupart d’entre nous continueraient à proposer ces espaces d’échanges, même si un gouvernement Zemmour cherchait à nous en empêcher", prédit la responsable syndicale du Snuipp-FSU. Sceptique, Fatna Seghrouchni n’ose même pas concevoir que cette éventualité puisse arriver. Selon elle : "Ça serait clairement un recul dans le temps d’imposer cela."

Quoiqu’il en soit, ce phénomène qu'Éric Zemmour estime problématique semble plus que marginal. Selon un rapport du Haut conseil à l’égalité de 2016, les cours d’éducation à la vie sexuelle et affective, pourtant obligatoires, sont encore très peu répandus. Les trois séances annuelles sont dispensées dans à peine 50% des classes de primaire, 10% des classes de sixième, 20% des classes de quatrième et 12% des classes de seconde.

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