Les discriminations envers les personnes LGBTQI+, péché de l’Eglise française

Le coming-out de cent catholiques allemands ce lundi soir a fait resurgir la question des discriminations perpétrées contre la communauté LGBTQI+ au sein de l'Eglise, notamment en France.

Cataclysme dans l’Eglise catholique allemande lundi soir. Plus d’une centaine de fidèles appartenant à la communauté LGBTQI+, aussi bien prêtres que professeur·es de théologie, ont fait leur coming-out sur le site Outinchurch. Dans un manifeste criant à l’injustice, les croyant·es ont uni leurs voix contre la “discrimination et l’exclusion” dont fait preuve l’Eglise à leur égard. “Ni l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ni l’engagement dans une relation ou un mariage non hétérosexuel ne doivent être un obstacle à l’embauche ou un motif de licenciement”, explique le site. Outre- Rhin, la situation semble sensiblement être la même. 

Brimades, mises au placards, licenciements. La chrétienté catholique, et plus largement la chrétienté dans son ensemble, rechigne à compter des personnes LGBTQI+ sur ses bancs et ce, dès l’enfance. Isabelle* a été éduquée dans des valeurs chrétiennes. Ses parents, franco-espagnols, sont issus d’une culture profondément marquée par la religion catholique. Après son baptême, ses cours de catéchisme, sa communion, sa profession de foi et sa confirmation, elle a continué à baigner dans la religion à l’adolescence en se rendant à l'aumônerie. Un lieu de discussion sur les questions religieuses entre jeunes… chapeauté par des encadrant·es de l'Eglise. Et c’est là que le bât blesse.

Bisexuelle, la jeune femme de 23 ans s’est aujourd’hui éloignée de la foi. “C’était plus mon délire d’aller à la messe prêcher la bonne parole tous les dimanches”, lâche-t-elle, désabusée. Elle se rappelle d’une phrase qui l’a marquée, lors de ce qu’elle appelle “les petites annonces” du prêtre à la fin de chaque cérémonie. “C’était à l’époque des manifs pour tous. Le prêtre nous a demandé d’aller grossir leurs rangs. La honte, quoi.” L’étudiante en école de radio ne comprend pas l’acharnement contre la communauté LGBTQI+. “C’est nos vies, foutez-nous la paix en fait, il y a d’autres problèmes dans le monde. Ta sexualité ne fait pas de toi un·e mauvais·e chrétien·ne, ni un·e bon·ne d’ailleurs.”

"Une chape de plomb pèse sur l'Eglise catholique"

C’est notamment ce que défend l’association chrétienne LGBTQI+ David et Jonathan. Fondée en 1972 et forte de 400 membres permanent·es, elle fait office d’interface entre la communauté LGBTQI+, les Églises et espaces de spiritualité, et l’engagement associatif et militant. Le collectif compte aussi des professeur·es de l'enseignement catholiques et des prêtres. Au même titre qu’une famille pourrait rejeter un de ses membres en apprenant son orientation sexuelle, ces personnels religieux  “pourraient être mis en danger si leur identité sexuelle ou de genre venait à être connue”, assure le porte-parole de l'association Cyril de Compiègne. “Un prêtre qui en parle trop ouvertement risque de prendre un blâme de sa hiérarchie, voire d’être mis au placard. Il peut se retrouver isolé, se murer dans le silence.” Difficile alors pour eux de prendre position pour aider les jeunes fidèles à assumer leur identité.

Dans l'Yonne, le curé de la paroisse de Joigny (Yonne) Matthieu Jasseron s’est effectivement fait remonter les bretelles en août dernier. Après le confinement, il s'est lancé sur la plateforme de partage de vidéos en ligne Tik Tok pour y aborder avec humour un bon nombre de tabous dans l’Eglise catholique. Alors que le Pape François venait d'approuver une note considérant l’homosexualité comme “un péché”, le jeune prêtre s’est insurgé dans un de ces petits clips partagés à ses 620.000 abonnés. “Il n’est marqué nulle part, ni dans la Bible ni dans le catéchisme de l’Eglise catholique, c’est-à-dire l’ensemble de la tradition, que d’être homosexuel ou de pratiquer l’homosexualité est un péché”, a-t-il osé s’aventurer. Plus d’un million de vues plus tard, le diocèse de Sens-Auxerre a désapprouvé ses propos dans un communiqué, avant d'être relayé par la Conférence des évêques de France, condamnant fermement cette vidéo et son auteur.

C’est une question de position des évêques de France et de leur hiérarchie", confirme Cyril de Compiègne. Lui-même croyant et membre de la communauté LGBTQI+, il dénonce la “chape de plomb” qui pèse encore sur l’Eglise catholique et “empêche la reconnaissance d’un certains nombre de vies”. Et d’ajouter : “Au niveau du Vatican, on sait que tout changement n’est pas pour demain.” Pour lui, c’est en partie une question d’internationalité, le Vatican étant chargé de représenter le monde dans son ensemble, y compris les pays où l’homosexualité est interdite et réprimandée.

"Une sexualité fautive et de seconde zone"

Le parole-parole loue l’action des cent catholiques allemands mais regrette que cela ne puisse être possible sur l’hexagone. "Ça demanderait un travail de mutualisation autour de cette question qui n’existe pas encore chez nous. Néanmoins, il y a des choses qui vont dans le bon sens, même si elles sont timides”, accorde-t-il. Entres autres, David et Jonathan considère que les deux tiers des diocèses français essayent d’avancer sur ces questions en organisant des temps de paroles, des marches ou des rencontres avec les familles, par le biais de pastorales. “Ceci dit, si le discours moral de l’Eglise ne bouge pas, on restera sur un discours d’accueil et de bienveillance mais on considérera toujours les personnes homosexuelles et LGBTQI+ comme ayant une sexualité fautive et de seconde zone.” 

En attendant, des associations comme la sienne œuvrent quotidiennement sur le terrain pour améliorer la vie de nombreuses personnes en souffrance, tiraillées entre leur identité et leur foi. Sevan a 24 ans et fait partie de celleux-là. Non-binaire, iel a abandonné son église pendant près de 5 ans. Outre le décès de sa mère qui l’a profondément marqué·e à ses 15 ans, iel n’a pas supporté le rejet de son père et du reste de sa communauté franco-arménienne après son coming-out. “Quand je me suis dévoilé·e à mon père, il m’a répondu que c’était une honte et que je ne respectais pas la religion. se rappelle-t-iel. Je me suis dit que si la religion ne voulait pas de moi, je ne voulais pas de la religion non plus.” 

Lors de ses études, la foi est revenue malgré ellui dans sa vie au gré de ses rencontres et de ses recherches. Sur un site Internet, Sevan trouve par exemple des études offrant une toute autre lecture de certains passages de la Bible habituellement utilisés pour condamné l’homosexualité. Ainsi, l’histoire de la ville de Sodome et Gomorrhe condamnerait non pas les relations entre hommes mais le “refus de la solidarité et de l’hospitalité”, ainsi que la “prostitution” et plus généralement la “débauche”. De quoi confirmer l'intuition de Sevan. “Je me suis dit que Dieu m’avait créé·e comme je suis et j’ai décidé de changer d’Eglise en me dirigeant vers le protestantisme, qui est beaucoup plus inclusif par rapport à la communauté LGBTQI+”, explique-t-iel. L’Eglise protestante unie offre par exemple la possibilité d’unir deux personnes du même genre et prône le libre-arbitre. “Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’aller à l’église et d’un prêtre pour avoir un lien avec Dieu, c’est un truc perso.” Devant ces textes bibliques vieux de près de vingt siècles, Sevan réinterprète sa foi à mesure qu'iel se découvre.

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