Photographie d'illustration
Julie et Thomas ont matché sur Tinder il y a un an et ne se sont pas quittés depuis. Particularité : leur relation est basée sur la possibilité d’avoir d’autres partenaires sexuels et amoureux. Une liberté qui nécessite un peu d’organisation et beaucoup de communication.
“Il m’a montré le livre qu’il avait reçu à Noël sur les relations libres. Je l’ai ouvert, j’ai lu le mot ‘polyamour’ et je me suis dit : ‘qu’est-ce que c'est que ça ?’”. Julie, 22 ans, se rappelle un de ses premiers échanges avec Thomas, il y a un an, entre deux confinements, après une rencontre sur Tinder.
A ce moment, Julie sort de sa première relation de couple. “J'ai adoré cette histoire qui a duré plusieurs années, mais je me sentais enfermée”. Un constat qui amène cette étudiante en communication et en publicité à se questionner au sujet de l’exclusivité : “Mon ex me trompait alors j’avais abordé l’éventualité de s’autoriser à aller voir ailleurs, mais ce n’est pas ça qui allait sauver mon couple”. Après cette rupture, il est hors de question pour Julie de s’engager de nouveau dans une “relation sérieuse”. Thomas quant à lui, est certain depuis longtemps de vouloir une relation non exclusive. Ayant déjà expérimenté les relations libres, il en discute ouvertement avec la jeune femme. Un mois après leur rencontre, leur décision est prise : si les deux jeunes se mettent en couple, celui-ci doit être libre et polyamoureux. Thomas et Julie entretiennent depuis une relation à distance, lui vit à Bordeaux, elle à Paris.
“Je considère que la relation libre et polyamoureuse me convient parce qu’une seule personne ne peut pas répondre à tous mes besoins affectifs et sexuels”, détaille Thomas avec assurance. Pour cet étudiant en médecine de 26 ans, les besoins individuels, en amour comme en amitié, peuvent être remplis par une multitude de personnes. “J’ai les atouts positifs du célibat et du couple sans avoir les aspects négatifs des deux”, résume-t-il. Avoir plusieurs relations et peu de frustrations, c’est aussi ce qui séduit sa petite-amie Julie, une brune aux cheveux bouclés et au regard pétillant : “La possibilité de rencontrer plein de gens procure un vrai sentiment de liberté. On ne se sent pas mal quand on flirte avec une autre personne. Au contraire, on est content·es l’un·e pour l’autre”. Mais la mise en place de ce type de relation requiert un peu de préparation.
“On connaît nos besoins et on arrive à les exprimer”
“Dès le début de notre relation nous avons défini des règles pour notre couple” explique Thomas, tout en montrant la note conservée dans son téléphone qu’il a nommée “relation idéale”. Sur son écran, on peut lire par exemple : “parler de nos partenaires à l’autre personne”. “On essaye toujours de se prévenir quand on va avoir un rendez-vous avec quelqu’un et dans la mesure du possible, avant de coucher avec cette personne”, explique Julie. Le couple a aussi établi plusieurs moyens de préserver leur lien, comme le droit d’opposer un “veto” à une relation que pourrait entretenir l’autre. “Cela ne nous est jamais arrivé, mais c’est rassurant de savoir que c’est une possibilité”, avance la jeune femme.
Très complice, le duo valorise grandement la communication : “On connaît nos besoins et on arrive à les exprimer", reconnaît Thomas, “j’ai de la chance d’être tombée sur quelqu’un avec qui je peux dire quand ça ne va pas et quand ça va bien”. La nécessité d'échanger concerne aussi la gestion de leurs emplois du temps respectifs, notamment lorsqu'ils côtoient plusieurs personnes à la fois. “Même si le sujet arrive rapidement dans nos conversations, je dis presque systématiquement à mes rencontres que je suis en couple libre et je m’y oblige quand la relation devient plus sérieuse”, affirme Julie. Parfois, d’autres relations peuvent même naître de ces interactions en dehors du couple : “J’ai un sex friend qui s’entend super bien avec Thomas !”.
“Julie c’est un mélange entre une très bonne amie et ma copine”
Bien qu’il ne soit pas exclusif, le couple est aussi confronté à la jalousie. “Il m’est arrivé d’être jaloux une fois par rapport au fait que Julie ait un rendez-vous et une relation sexuelle avec quelqu’un d’autre” confie Thomas. Avec le recul, le jeune homme s’aperçoit que derrière sa jalousie se cache une autre émotion, la peur : “J’avais besoin de savoir que Julie était bien avec moi et qu’elle voulait continuer avec moi”. ”Les sentiments, ce n’est pas toujours facile à gérer”, acquiesce Julie sans rougir. Elle s'est rendue compte que la jalousie était plus facile à appréhender lorsqu'ils parlaient ensemble de leurs partenaires respectif·ves : "Savoir ce que fait l’autre avec d’autres personnes peut même être excitant !”.
Ponctuellement, Julie fréquente Léo, un cuisinier de 22 ans. Ce dernier trouve son compte dans leur relation sans étiquette : “lorsqu’on se voit on ne fait pas que coucher ensemble, on fait aussi d’autres choses. Il n’y a pas de monotonie”, Une formule sans engagement, qui plaît au jeune homme pour sa simplicité. Pour autant, Léo éprouve aussi un attachement sincère envers celle qu’il ne voit qu'une ou deux fois par mois : “Il n'y a pas vraiment de mot pour décrire notre relation : Julie c’est un mélange entre une très bonne amie et ma copine !”. Face à la place de Thomas dans la vie de Julie, Léo se montre relativement serein : “Ce serait étrange de le rencontrer un jour, mais aujourd'hui je ne ressens pas de jalousie envers lui, car la relation entre Julie et moi fonctionne bien telle qu’elle est”. Et de conclure : “Tant que Julie est heureuse, c’est ce qui compte pour moi”.
“Les gens sont souvent intrigués”
C'est avec bienveillance que la mère de Thomas a réagi le jour où il lui a confié la nature de sa relation avec Julie. Si tou·tes les deux ont rencontré leurs parents respectifs, seule la mère du jeune homme sait qu’ils n’entretiennent pas une relation exclusive. “Malgré le fait qu’elle ait du mal à comprendre le polyamour, ma mère le respecte et pense que le plus important, c'est que je sois content”, reconnaît Thomas, “en revanche je n’ai pas très envie d’en parler à mon à mon père, il est très rigide sur sa conception des relations”. Dans leur entourage, davantage que des réactions hostiles, ce couple atypique suscite surtout des questions. “Les gens sont souvent intrigués, voire impressionnés, ils essaient de comprendre notre fonctionnement”, relate Julie.
La même remarque est souvent adressée au couple : “Je trouve ça super mais moi je ne pourrais pas”. Si Julie et Thomas ont trouvé un équilibre dans cette configuration relationnelle, ils ont conscience que la relation libre et polyamoureuse n’est pas adaptée à tout le monde. “Ce type de relation semble simple en théorie mais est très compliqué en pratique”, souligne Julie. Un constat partagé par son petit-ami : “La relation libre n’est pas la solution à tous les problèmes de couple, c’est une pratique différente à ne pas prendre à la légère”. Et si elle ne leur convient pas, Thomas et Julie sont pourtant loin de dénigrer l'exclusivité : "une relation exclusive c'est plus facile, car les règles sont déjà fixées à l'avance. Nous, on doit tout se dire".
Récemment, la relation entre Julie et Thomas a pris un nouveau tournant. A la recherche de nouvelles expériences, c'est un site de rencontre spécialisé qui leur permet d’entrer en contact avec de potentiels nouveaux·elles partenaires sexuel·les. “On a rencontré un couple qu’on devait voir mais cela n’a pas pu se faire finalement à cause de nos emplois du temps, raconte Julie. On échange régulièrement des nouvelles par messages avec un autre couple, on aimerait beaucoup se rencontrer”.
Et pour le futur, le couple se projette, comme raconte Thomas : “J’ai le désir d’être papa. Quand j’ai réalisé que je me sentais mieux dans ce genre de relation, je me suis dis que ça allait être difficile. Aujourd’hui ça me stresse moins, notamment car j’ai appris que plusieurs figures parentales peuvent coexister. J’ai réalisé que mes besoins relationnels ne m'empêcheront pas d’avoir une stabilité familiale.” Comme quoi, former un couple libre et polyamoureux n’empêche pas de chercher aussi du sérieux.