Fétichisme : à vos pieds

Le fétichisme des pieds a longtemps été vu comme une "perversion honteuse, en partie à cause du théoricien de la psychanalyse, Sigmund Freud. Pour Jean, se mettre à Nu pour décrypter son attirance n'a pas été chose facile. La sexothérapeute Noëline Toribio explique de son côté qu'il est tout à fait possible de vivre en paix avec son fétichisme.

En plein acte sexuel, c’est souvent les muscles du pied que l’on contracte, par réflexe. Pour certaines personnes, cette partie du corps est, en elle-même, une source de plaisir. C’est par exemple le cas du réalisateur Quentin Tarantino, qui multiplie les plans de pieds de ses actrices. L’auteur français Riad Sattouf, a lui réalisé une BD sur le sujet. Il y a des gens à qui les pieds, ça fait de l’effet.

"Je peux affirmer que quand j’étais petit avant même la puberté je ressentais déjà le trouble sur cette partie là du corps." Paul, un étudiant en théâtre qui a choisi de rester anonyme, fait partie de ces amateurs et amatrices de pieds. C’est à 14 ans qu’il a compris qu’il n’était pas le seul.

"J’étais en train de discuter sur MSN avec une meuf qui a dit « fétichisme » et j’avais jamais entendu ce mot alors je suis allé cliquer sur Wikipédia, et dans les sous catégories y avait marqué fétichisme des pieds. Et c’est la que je me suis rendu compte qu’en fait les 14 premières années de ma vie j’étais pas juste seul sur Terre à ressentir quelque chose qui peut sembler un peu subversif."

Une majorité d'hommes

Paul a aujourd’hui 28 ans. Il l’avoue après quelques hésitations, c’est l’odeur des pieds qui l’excite : "Je m’imagine les sentir, ou leur odeur."

Selon Noëline Toribio, sexothérapeute et psychopraticienne, il est très courant d’être fétichiste des pieds. Concrètement, on parle de fétichisme quand une partie du corps génère une excitation sexuelle telle, que la personne doit interagir avec elle. "L’individu a besoin réellement de toucher, respirer, lécher, toutes ces actions fortes."

Les possibilités d’objets fétiches sont nombreuses : jambes, abdominaux, un torse musclé… toutes les parties du corps peuvent être l’objet du fétichisme. La sexothérapeute le confirme, la plupart des fétichistes de pieds sont des hommes. Ce qui serait dû à la représentation des pieds dans l’imaginaire collectif hétérosexuel.

"On représente beaucoup plus souvent les pieds des femmes, à travers la panoplie de chaussures, collants, lingerie, dans la photographie… Et cela alimente énormément de fantasmes, poursuit Noëline Toribio. Mais la gent féminine faisant partie de la communauté LGBT+ peut avoir une plus grande proportion de fétichistes des pieds."

"Une théorie fumée par la moquette"

Pour Paul, assumer franchement son attirance pour les pieds n’a en tout cas pas été chose facile. "J’en avais super honte, je n’osais pas du tout en parler ni aux filles avec qui je sortais ni à mes ami·es. Du coup, c’était assez libérateur de le dire la première fois, à 17 ans. J’ai commencé à me renseigner sur internet, sur les forums, et puis avec le livre de Sigmund Freud."

La théorie de Freud se base sur des présupposés biologiques qu’on juge aujourd’hui obsolètes. En gros, selon le psychanalyste, les petits garçons grandiraient en étant persuadés que leur mère dispose, comme eux, d’un pénis.

"Le jour où mentalement on les castre et on se rend compte qu’elles n'en ont pas, on est pris d’une sorte de panique et on veut se rassurer en se disant elles sont pas castrées, poursuit Jean. Du coup on se dit que leur attribut sexuel, c’est leur pied."

"La méthode de Freud est effectivement discutable", abonde Noëline Toribio. "J’en parlais aux gens quand j’avais 17 ans, reprend Jean. Je leur racontais la théorie et ensemble, on se disait mais c’est vraiment fumé par la moquette."

Aujourd’hui, le fétichisme est considéré comme une simple paraphilie, c’est-à-dire, une forme d’attirance sexuelle qui sort de l’ordinaire. "Il y a beaucoup de gens qui, quand je commence à mettre les pieds dans le plat, se disent 'non mais c'est fascinant quand même, attends mais d’où ça peut venir, wow !'. Mais je pense que tout m’a déçu dans les explications. Je ne cherche plus vraiment d’explication, je vis le truc."

De nouvelles sensations

Les partenaires de Paul, qui se définit comme hétérosexuel, sont parfois surpris·es par son attirance pour les pieds et leur odeur. "Je ne fais pas trop le truc mégalourd au début [de la relation sexuelle], en mode : « alors excuse moi, je dois te dire quelque chose »... En général j’essaie de me diriger petit à petit. Les gens le prennent plutôt bien."

Alors, iels découvrent de nouvelles sensations —jusqu’à prendre le leur, de pied. Avec 7200 terminaisons nerveuses, les pieds sont presque au niveau du clitoris ou du gland du pénis.

"Il y a 50% des gens qui se laissent faire, et 50% qui sont en mode « oh!! ». Au début, peut être qu'ils ont des réticences parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec le fait que j’absorbe une de leurs odeurs, susceptible d'être gênante. Ils ont eux même un rapport à leur pied qui est un peu complexé parfois."

Si une personne est capable de jouir sans l’objet de son fétiche, alors tout va bien. Mais lorsque ça devient un problème au quotidien, il faut consulter. Depuis 2009, tous les troisième vendredis du mois, le monde célèbre la journée internationale du fétichisme.

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