« Une meilleure prise en considération par les forces de l’ordre » explique-t-elle la hausse des violences sexuelles en 2021 ?

Le ministère de l'Intérieur a dévoilé jeudi 27 janvier une hausse de 33% des violences sexuelles en 2021. Une forte hausse que le gouvernement explique par le "contexte de libération de la parole", mais aussi par "la meilleure prise en considération de ce sujet par les forces de l'ordre". Une explication qui ne convainc pas l'association féministe #NousToutes.

Le chiffre est glaçant. Les violences sexuelles ont augmenté de 33% en 2021, selon les chiffres dévoilés ce jeudi 27 janvier par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure, au sein d'un rapport sur les indicateurs de la délinquance. A titre de comparaison, cette hausse avait été de 3% en 2020 et de 12% en 2019. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, précise dans un communiqué que cette forte hausse doit se comprendre dans un contexte de "libération de la parole", mais aussi par une "meilleure prise en considération par les forces de l'ordre, priorité du gouvernement depuis le début du quinquennat". Des propos qui indignent les militantes féministes.

Claire Bourdille, militante à #NousToutes explique à nu: "La communication du gouvernement sur ce sujet est toujours très positive, ils se félicitent. Selon le ministre, quand on va porter plainte, l’agresseur est systématiquement mis en garde à vue, et systématiquement poursuivi". Une allusion à une interview du 25 janvier donnée par le membre du gouvernement où Gérald Darmanin avait tenu ces propos. Claire Bourdille dénonce : "“Il y a de très nombreuses plaintes classées sans suite. Il a menti, ce n'est pas vrai.”

De son côté, le Ministère de l'Intérieur avance d'autres chiffres. En 2020, il avait déclaré que "90 % des femmes ayant porté plainte en 2020 pour des faits de violences conjugales étaient satisfaites de l’accueil en commissariats et gendarmeries". Là encore, #NousToutes conteste ces chiffres, en décalage avec la réalité de terrain selon l'association. Claire Bourdille en tient pour preuve le hashtag #DoublePeine, qui avait dénoncé en octobre 2021 la mauvaise prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles au commissariat. Un rapport de 2020 de #NousToutes pointait que 66% des femmes disaient être mal prises en charge par la police lors de leur dépôt de plainte.

Le gouvernement a toutefois pris des initiatives, comme le bracelet anti-rapprochement, mis en place en septembre 2020. "Mais ce sont des mesures sur des personnes déjà condamnées, alors qu’il y a très peu de personnes condamnées", tranche Claire Bourdille. Des expérimentations permettant aux femmes de déposer plainte depuis leur domicile ont aussi été mises en place, mais là encore, pour la militante, il s'agit de "mesurettes", là où la création d'une juridiction spécialisée pour les violences sexuelles et intrafamiliales serait nécessaire.

Bref, pour la militante, il faut "arrêter de discuter et mettre en place des mesures efficaces". Car, pour l'instant, la hausse impressionnante des chiffres ne serait pas liée aux efforts des forces de l'ordre, mais "au travail que féministes, collectifs, font depuis des années" pour libérer la parole, y compris sur des faits anciens, notamment de violences intrafamiliales. En 2021, 19 % des violences constatées dataient de plus de cinq ans avant leur enregistrement, contre 15 % en 2020 et 12 % en 2018.

Si le nombre de plaintes augmente donc, il faut donc, pour Claire Bourdille, que le nombre de plaintes classées sans suite diminue. Et "tant qu’on n’a pas une meilleure formation sur les violences sexistes et sexuelles", ce ne sera pas le cas. Celle qui est aussi artiste peintre pointe en particulier la question de l'inceste : 70% des plaintes d'enfants victimes de violences sexuelles seraient classées sans suite. En octobre dernier, Gérald Darmanin soulignait devant une commission parlementaire que depuis janvier 2021, 90.000 policiers et gendarmes avaient suivi une formation pour mieux recevoir les victimes, et que de ce fait il y aurait "eu une énorme amélioration de l’accueil". Mais les choses peuvent encore "très certainement" être améliorées, avait-il concédé. Au moins un point sur lequel il rejoindra le constat de l'association #NousToutes.

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