Un an de Joe Biden : un bilan en demi-teinte pour les droits des LGBTQI+

Joe Biden s'est engagé à voter l'Equality Right pendant ses quatre ans à la Maison blanche. SOURCE: Crédit: Gage Skidmore. 09/08/2019

Facilitation de l'acquisition de la citoyenneté pour les enfants nés par GPA, engagement contre les discriminations en raison de l'orientation sexuelle : en un an au pouvoir, Joe Biden a agi pour les droits des personnes LGBTQI+. La politique du président est fragilisée par l'action de certains États du Sud des États-Unis.

"Tous les êtres humains doivent pouvoir vivre sans avoir peur, peu importe qui ils sont et qui ils aiment". Cette phrase de Joe Biden, prononcée deux semaines après son arrivée au pouvoir, devait annoncer les couleurs de sa politique en faveur des droits des personnes LGBTQI+. En se présentant comme l'anti-Trump, le démocrate a suscité les espoirs de la communauté LGBTQI+. Eugénie Clément Picos, anthropologue à l'EHESS et coordinatrice du pôle Californie de l'Institut des Amériques reconnaît: "Tout est mieux que Trump aux yeux de la communauté LGBTQI+". Mais derrière les mots, qu'a fait Joe Biden depuis son arrivée au pouvoir, il y a un an, pour les minorités sexuelles?

Retour le 20 janvier 2021. Joe Biden, arrivé le jour même à la Maison blanche, prend une série d'ordres exécutifs, équivalent des décrets présidentiels en France. Il ordonne ainsi aux États de clarifier leurs lois touchant aux discriminations liées à l'orientation sexuelle. Cinq jours plus tard, nouvelle mesure choc : le président abroge l'interdiction du service militaire pour les personnes transgenres, mesure prise par son prédécesseur, Donald Trump. S'ajoutent dans les mois qui suivent une série de décrets visant à garantir l'accès au logement et aux soins sans discrimination pour les personnes LGBTQI+, ou encore à protéger les étudiant·es transgenres. En octobre, le premier passeport de genre neutre (le genre X) est délivré aux Etats-Unis.

De nombreux États conservateurs

Mais ces mesures sont-elles suffisantes? Eugénie Clément Picos, chercheuse basée à UCLA, nuance. Pour elle, l'action de Joe Biden à l'échelle fédérale ne suffit pas à contrer l'action de certains États américains: "Il y a énormément de lois qui rendent difficile la vie des personnes LGBTQI+, et particulièrement les personnes transgenres. En Arizona, Alabama, ou en Floride, les personnes transgenres peuvent avoir des difficultés d’accès aux toilettes, aux sports, on leur restreint l’accès aux soins. Et elles ont l'impression que la seule avancée que leur propose Joe Biden, c’est de pouvoir rejoindre l’armée."

Car, si Joe Biden dirige le pays, bon nombre d'États sont aux mains des républicain·es, particulièrement conservateur·rices au sud des Etats-Unis. D'après l'ONG américaine ACLU, 60 textes hostiles aux personnes transgenres ont été adoptés en 2021 dans 25 Etats, contre 41 textes en 2020. Mais que peut faire Joe Biden, alors que les États-Unis reposent sur un système fédéral ? "Il pourrait faire pression, avance Eugénie Clément Picos. Les États touchent de l’argent du gouvernement fédéral. Il y a des moyens de les faire plier." Autre point noir, pour la chercheuse : la Cour suprême, sommet du pouvoir judiciaire, est à majorité conservatrice, "et cela pourrait poser des problèmes, au niveau du droit à l’avortement et des mariages gays dans les prochaines années." Là encore, l'institution pourrait lier les mains du président, et cela d'autant plus que ses membres sont élu·es à vie.

Des personnes LGBTQI+ au gouvernement

Reste que Joe Biden a mené bon nombre de mesures, comme la facilitation de la reconnaissance de la citoyenneté américaine pour les enfants nés d'une mère porteuse, décidée en mai. "Tout le monde n’a pas accès à une mère porteuse, modère Eugénie Clément Picos. Cette mesure ne concerne que la partie la plus riche de la communauté LGBTQI+". Le président a aussi œuvré pour une diplomatie en faveur des LGBTQI+. En mai, il a donné un rôle d'envoyée spéciale pour les droits LGBTQI+ à la diplomate Jessica Stern. Son rôle selon Joe Biden? S'assurer que "la diplomatie américaine protège et défende les droits des personnes LGBTQI+ à travers le monde".

Joe Biden a également usé de symboles couleur arc-en-ciel pendant sa première année à la Maison blanche. Un secrétaire aux Transports gay, Pete Buttigieg, et une secrétaire adjointe à la Santé, Rachel Levine, transgenre : le président a fait le choix de mettre en avant des figures LGBTQI+ dans son gouvernement. Il a fait de nombreux discours lors de dates symboliques : la journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, ou la journée nationale du coming-out. Là encore, pour Eugénie Clément Picos, ces signes encourageants restent à confirmer : "Ce sont des politiques identitaires. C’est bien, mais cela ne change rien à la vie quotidienne de millions de gens."

L'Equality Act, un chantier majeur

Alors, que pourrait faire concrètement Joe Biden pour améliorer le quotidien des personnes LGBTQI+? Eugénie Clément Picos cite deux exemples : "ouvrir le droit à donner son sang sans condition pour les hommes homosexuels et bisexuels", alors qu'un délai d'abstinence est aujourd'hui requis, et "lever les restrictions au niveau de l'adoption pour les personnes non-hétérosexuelles". Dans certains Etats, comme l'Alabama ou le Michigan, les agences d'adoption peuvent encore refuser la parentalité à un couple, en raison de son orientation sexuelle - décision justifiée par un motif religieux.

Il reste donc de nombreux chantiers pour Joe Biden, à commencer par l'Equality Act, un texte qu'il souhaite faire voter et qui garantirait l'égalité devant la loi des personnes LGBTQI+ par rapport au reste de la population, et cela dans les cinquante Etats américains. Mais là encore, tout ne dépend pas de Joe Biden. Le Sénat américain, divisé à quasi-égalité entre démocrates et républicain·es, pourrait lui faire défaut. Fin décembre, le veto d'un unique sénateur démocrate à tendance conservatrice a suffi à bloquer le vote d'une enveloppe de 1.750 milliards de dollars voulue par le président. Un équilibre vacillant qui pourrait encore freiner les décisions politiques de Joe Biden pour les minorités sexuelles.

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