Y-a-t-il vraiment une pénurie mondiale de préservatifs ?

Beaucoup de médias ont annoncé une pénurie mondiale de préservatifs après que l'entreprise Karex, l'un des plus importants fabricants au monde, a dégringolé en bourse. Il n'en est rien.

L’effet domino n’a pas eu lieu. Depuis le début de la pandémie, les articles sur la menace d’une pénurie mondiale de préservatifs se multiplient. Tous se basent sur l'idée reçue que le monde aurait tellement copulé en temps de confinement que les contraceptifs en latex viendraient à manquer. « Les personnes confinées feront l’amour, faute d’autres activités, pas vrai ? », supputait même Goh Miah Kiat, le directeur général de Karex Berhad, une entreprise malaisienne de préservatifs, dans une interview au journal japonais Nikkei Asia.

Tout faux. Deux ans après la crise sanitaire, un certain nombre d’études (relayées par le média américain Quartz) montrent que les populations confinées n’ont pas autant fait l'amour que prévu. En cause notamment, l’augmentation du niveau de stress, une baisse du nombre de moments intimes à domicile et la fermeture des hôtels et motels propices aux relations extra-conjugales.

Les ventes de Karex baissent de 40%

Résultat, Karex – qui produit un cinquième des préservatifs vendus dans le monde, soit 5,5 milliards d’unités chaque année – n'est pas ressorti indemne de la période de crise sanitaire. D’une part, les confinements à répétition imposés dans le pays ont eu un impact négatif sur la production de Karex. D’autre part, la situation bancale de l'entreprise est sans doute due au manque de prescience de son PDG, Goh Miah Kiat. Celui-ci avait anticipé en mars 2020 une envolée de la demande de préservatifs face à la libido grimpante des populations confinés.

Les ventes du géant malaisien ont chuté de 40 % et la société a vu sa valeur boursière dégringoler de moitié en 2021. Un gouffre économique. Au point que la firme s’est lancée dans la production de gants en latex pour compenser les pertes.

De cette mauvaise santé financière, certains articles de presse ont supposé que le marché mondial du préservatif pourrait être impacté, semant au passage un léger vent de panique dans le domaine de la santé sexuelle en France.

« Il y a du stock ! »

Mais pour le sexologue Marc Pointel, parler d’une pénurie est illusoire. « Certes, la production de Karex est importante pour le marché mondial mais il est bien trop tôt pour craindre une disette de contraceptifs », affirme celui qui est aussi propriétaire d’une boutique spécialisée dans la contraception à Paris. « Les préservatifs sont stockés au moins cinq ans, et du stock il y en a ! Donc l’impact de la production réduite de l’usine malaisienne ces deux dernières années ne peut pas encore se faire ressentir », appuie-t-il.

Le professionnel des moyens contraceptifs assure que d’autres usines, en Chine ou en Inde notamment, sont largement en mesure de soulager la demande mondiale. L’Union européenne étant dépourvu de la moindre manufacture de préservatifs.

Marc Pointel assure qu’il n’a connu aucun problème d’approvisionnement depuis le début de la crise du Covid-19. Ses produits les plus vendus, les préservatifs des marques Durex et Manix sont produits en Chine ou en Inde. Bien loin des déboires de l’entreprise malaisienne.

Les distributions de préservatifs gratuits impactées

En revanche, il est vrai que les malheurs de Karex sont bien responsables d’un appauvrissement de l’offre des préservatifs premiers prix. Cette tendance est notamment constatée par les membres du Planning Familial, une association qui milite entre autres pour le droit à la contraception.

Depuis quatre ans, les bénévoles qui redistribuent aux personnes les plus défavorisées des préservatifs externes et internes constatent un appauvrissement en quantité et en qualité des denrées fournies par l’État.

Cette tendance s’aggrave depuis la crise du Covid. Selon Lydie Porée, membre du bureau national de l’association, les dernières dotations de préservatifs en polyuréthane, l'alternative pour les personnes allergiques au latex, n’étaient pas aux normes de qualité auxquelles le Planning Familial était habitué. « Cela a rendu nos interventions plus difficiles », regrette la représentante. Elle questionne les priorités du gouvernement. « L’idée ce n’est pas de comparer les maux. C’est très bien que l’on s’occupe du Covid-19, mais les infections sexuellement transmissibles ne s’arrêtent pas pour autant. Il ne faut pas l’oublier ».

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